« The Watchmen », réalisé par Zack Snyder en 2009, est l’adaptation du roman graphique du même nom. L’histoire s’inscrit dans le registre de l’uchronie et dépeint une réalité alternative dans laquelle les Etats-Unis sont sortis victorieux de la guerre du Viêtnam, mais dans laquelle la guerre froide atteint un paroxysme critique. D’ailleurs, pour ceux qui aiment les chiffres, ou qui ont un petit coté « Rain man », le drapeau américain comporte ici 51 étoiles au lieu des 50 habituelles : le Viêtnam constitue le 51ème état (personnellement, je ne suis pas allé vérifier ;))
Cette fiction nous plonge à l’aube de l’apocalypse, et seul un petit groupe de héros sans réels pouvoirs peut encore sauver l’humanité. Mais ce job n’est pas de tout repos. D’ailleurs, il ne l’a pas été pour la précédente génération de « vigilantes » non plus.
Les « Minutemen »

Silhouette, Mothman, Dollar Bill, le Hibou, Capitaine Metropolis, le Comédien, Spectre Soyeux, le Juge Masqué
Les protagonistes du film sont des héros qui ont raccroché leur cape à la suite d’une loi qui interdit toute action de leur part. Mais avant cette génération de braves défenseurs de la veuve et de l’orphelin, un autre groupe de huit justiciers agissaient sous le nom de « Mystery men ».
C’est un peu plus tard, en 1939, pendant la 2ème guerre mondiale, que ces activistes prennent définitivement le nom de « Minutemen », pour se donner une image de patriotes modernes.
Pour la petite histoire, le groupe se disloque un an plus tard, en commençant par le Comédien qui se fait exclure à la suite de son agression envers Spectre Soyeux (1ère du nom). Silhouette suit le même chemin à cause de son homosexualité, et sera assassinée peu après, tout comme Dollar Bill. Mothman quant à lui, finit interné à l’asile. Après ça, les autres membres quittent la formation l’un après l’autre. C’est la fin des « Minutemen ».
Le nom du groupe n’a pas été choisi au hasard. Il fait référence à une milice qui a historiquement joué un grand rôle au 18ème siècle, pendant la guerre d’indépendance des Etat-Unis.
A cette époque, le territoire nord-américain est une vaste colonie britannique. Chaque ville dispose d’une milice, constituée de simples colons, qui joue un rôle purement défensif en cas de guerre ou d’invasion extérieure. Les meilleurs éléments sont alors sélectionnés parmi ces hommes, et sont intégrés dans une milice d’élite. C’est ainsi un quart des effectifs de toutes les milices qui est incorporé dans les « Minutemen ». Cette force d’action rapide a comme impératif de pouvoir se mobiliser rapidement (d’où son nom) et d’être extrêmement mobile.
Etant donné que ce groupe paramilitaire est constitué de civils, son organisation est différente de celle d’une armée classique. S’il y a bien un officier à la tête du groupe, celui-ci est élu par vote populaire. Par ailleurs, il est d’usage que cet officier consulte ses hommes à propos des actions à mener, il ne donne pas d’ordres à exécuter sans condition. On pourrait presque dire que les « Minutemen » sont une sorte de groupe paramilitaire démocratique.
Cette élite a joué un rôle crucial dans la révolution américaine, en tenant tête au roi Georges et à son idée de retirer tout pouvoir aux colons. C’est en grande partie grâce à leur patriotisme et leurs sacrifices que les Etats-Unis ont acquis leur indépendance, et ont formé la nation que nous connaissons aujourd’hui.
Aux Etats-Unis, les « Minutemen » sont de vrais héros, et le 4 juillet (independance day) est emprunt de leur mémoire. Si leur histoire vous intéresse, je vous recommande de voir (ou de revoir) le film « The Patriot » de Roland Emmerich, avec Mel Gibson comme acteur principal. Ce n’est de mémoire jamais évoqué dans le film, mais Mel Gibson et sa troupe de personnages hauts en couleur font bel et bien partie de ces « Minutemen » d’antan. Le film retrace assez fidèlement leurs motivations, leur combat et leur fonctionnement.
Revenons à présent dans notre 20ème siècle, avec quelque chose de moins glorieux, mais qui laissera une marque profonde à l’humanité à tout jamais (enfin, il faut l’espérer)
Le projet Manhattan

Le Comédien, Spectre Soyeux (2ème du nom), Docteur Manhattan, Ozymandias, Le Hibou (2ème du nom), Rorschach
Le docteur Manhattan est le fruit d’un simple accident : le scientifique Jon Osterman se retrouve coincé dans un séparateur de champs (ne me demandez pas à quoi ça sert), que personne n’arrive à arrêter. Il est alors totalement désintégré, mais revient quelques jours tard sous la forme d’une entité qui n’est rien d’autre que pure énergie, et doté d’un pouvoir qui lui permet de manipuler la matière à un degré atomique.
En réalité, ce personnage de fiction (sans oublier sa nature) tire son inspiration d’un vrai projet militaire américain : le projet Manhattan.
Ce programme est la conséquence d’une instabilité géopolitique et d’une montée de violence (civile et militaire) à l’échelon mondial, qui annonce la prochaine 2ème guerre mondiale. Le Japon envahit la Mandchourie, le régime nazi prend de l’ampleur en Allemagne, dont Adolf Hitler devient chancellier et dictateur. De son coté, Staline se lance dans les grandes purges en URSS et élimine tout opposant à son régime.
Le projet démarre en 1939, sous la forme d’un programme de recherche et développement dans le domaine du nucléaire. Ce n’est qu’en septembre 1942 qu’une direction strictement offensive est adoptée, avec 3 axes de développement :
- développement d’une arme atomique
- production de matière fissible
- conception d’un moyen de transport pour l’arme atomique
Et au départ, c’est bel et bien une arme qui est visée, et non pas une bombe. C’est au moment où l’équipe dirigée par Oppenheimer découvre que la force développée par la réaction nucléaire est beaucoup trop puissante pour une arme qu’il est décidé de produire plutôt une bombe nucléaire.
C’est le 16 juin 1945 qu’explose la première bombe atomique de l’histoire. Sa puissance est de 20 à 22 kilotonnes. A titre de comparaison, la bombe larguée au dessus d’Hiroshima le 6 août 1945 aura une puissance de 13 à 16 kilotonnes, tandis que celle lancée sur Nagasaki le 9 août 1945 avoisinera les 23 kilotonnes.
Ces deux bombardements changeront définitivement le monde. Des scientifiques ne tardent pas à prendre conscience des conséquences qu’engendreraient l’utilisation d’une telle arme à l’échelle mondiale, et c’est dans ce contexte que l’horloge de la fin du monde est créée.
L’horloge de la fin du monde

Les derniers mots du Comédien : « AAAAAAAAaaaaaaaaaaaahhhhh… »
Cette horloge conceptuelle existe réellement. Elle a été imaginée en 1947 à l’Université de Chicago, et demeure maintenue à jour régulièrement. Plus on s’approche de minuit, plus le risque d’apocalypse est grand. Si à l’époque elle se cantonnait à évaluer le risque nucléaire, les scientifiques ont intégré d’autres critères par la suite, comme les risques liés à l’écologie, l’économie et la technologie. On peut suivre l’évolution de l’horloge de la fin du monde sur la page wikipedia, ou directement sur le site des scientifiques nucléaires qui l’ont conçue.
L’horloge et le temps tiennent une place prépondérante dans « Watchmen ». Dès le départ, on peut voir que le sang du Comédien qui macule son pin’s forme une flèche qui indique à peu près minuit moins le quart. Par la suite, une horloge témoignera régulièrement de la tension qui ne cesse d’augmenter entre les Etats-Unis et l’URSS, en pleine guerre froide. Et enfin, c’est précisément à minuit que le plan meurtrier d’Ozymandias sera déclenché, causant au passage la mort de millions de personnes.
Le roman graphique va encore un peu plus loin dans l’idée : chacun des 12 tomes arbore sur sa couverture une horloge qui avance d’une minute, pour inexorablement atteindre minuit dans le dernier volume.
Autre élément subtil, en anglais « watch » désigne une montre. Si le mot « Watchmen » signifie « Gardiens », on pourrait également tout à fait le traduire par « les hommes à la montre », ce qui nous amène à l’idée d’hommes qui sont à court de temps.
Super-heroes forever
Les super-héros ont toujours fait partie de la culture américaine, comme peuvent en témoigner les films, festivals et autres comic books. Ainsi, un petit groupe d’individus a franchi le pas, et a décidé de porter cape, masque et costume dans la vraie vie, pour renforcer la sécurité en ville, et gérer pacifiquement incivilités, altercations et petits délits : the real life super heroes !
A quand la même chose chez nous? Je suis sûr qu’un costume de Super Pop-Corn, ça doit avoir une sacrée classe 😀
En savoir plus :
- Le projet Manhattan dans ses moindres détails (anglais)
- Page wikia sur les Watchmen (anglais)
- Détail de la bombe « Fat man«
- Détail de la bombe « Little boy«
3 commentaires
liliprune a dit le
17 janvier 2013 :
Film a voir en effet ! Loin du manichéisme habituel ou qui dit super hero dit pouvoir a la superman et moralité a toute épreuve. Les héros sont humains…nous pouvons donc tous être des heros avec nos faiblesses et nos paradoxes 🙂 Je ne connaissais pas »real life super hero » c’est pas mal du tout. Si tout le monde s’y mettait ….on arriverait peut être a faire reculer cette fameuse horloge de la fin du monde…parce que la il est minuit moins cinq hein ! Je vais réfléchir a quoi ressemblerait une cape liliprunnienne :-p
Jihem a dit le
5 février 2013 :
Le film est effectivement fort sympathique, mais je ne peux que recommander la lecture de la bande dessinée qui en est à l’origine. Le film est assez proche du livre, en adaptant toutefois le plan d’Ozimandias aux technologies actuelles, mais il édulcore quand même plusieurs aspects du livre. Je pense en particulier au personnage de Rorschach, extrèmement sombre et tourmenté.
Le scénariste du livre, Alan Moore, est un personnage atypique, auteur de livres puissants … et sombres. Je conseille ainsi la lecture de « V pour Vendetta », qui a également été adapté au cinéma (avec un certain succès à ma connaissance, mais je n’ai pas vu cette adaptation).
Yannick Effinger a dit le
9 février 2013 :
« V pour Vendetta » est effectivement une adaptation relativement fidèle et très intéressante. Il avait été markété comme un film d’action, mais c’est très loin d’être le cas. Et il ne faut surtout pas se fier aux avis d’Alan Moore, il déteste purement et simplement les adaptations de ses oeuvres. D’ailleurs, en dehors des deux titres évoqués, il a fustigé « From Hell », « Constantine » et « la ligue des gentlemen extraordinaires »… alors qu’il n’a jamais daigné les regarder !
Bon, en ce qui concerne « la ligue… », je serais assez d’accord avec lui : c’est un vrai navet 😀