Très à la mode dans les années 80, les films de ninjas ont compté un nombre incroyable de navets. Pas étonnant que le flot se soit arrêté une fois l’overdose atteinte. C’est donc dans un climat de scepticisme que sort « Ninja assassin » en 2009. Annoncé comme le film de ninja par excellence (on connaît la musique), il faut reconnaître que c’est un film qui ne décrochera jamais de récompense. Il ne brille ni par son scénario, ni par le jeu extraordinaire de ses acteurs. Mais le film de James McTeigue va puiser son énergie ailleurs. « Ninja assassin » est un pur plaisir visuel, la couleur (rouge, très rouge) est annoncée dès les premières minutes, avec une introduction qui tranche directement dans le vif du sujet. Littéralement.
Au programme : des ninjas, un entraînement dur et strict, de l’hémoglobine par seaux entiers, et des légendes. Mais si à la place des légendes, je vous racontais la vraie histoire des ninjas ?…
Les vrais combattants de l’ombre

Les ninjas dans leur camp d’entraînement. Ce soir, c’est karaoké
Oui, les ninjas ont vraiment existé, ce n’est pas un mythe. Ils sont mentionnés pour la première fois aux alentours du 15ème siècle, et sont alors désignés sous le nom de shinobi. On place leur origine dans la province d’Iga (actuellement préfecture de Mie, à peu près au centre du Japon). C’est dans cette région entourée de montagnes difficiles d’accès que des villages entiers se sont spécialisés dans l’entraînement des ninjas.
A cette époque, les samourais sont les équivalents de nos chevaliers. Leur profession est régie par un code de conduite très strict : il leur est notamment interdit de commettre un acte déshonorant et n’affrontent un adversaire que de face et ouvertement.
Les ninjas, à l’opposé, sont spécialistes des opérations secrètes. Ils usent de tous les artifices et ruses possibles pour atteindre leur objectif. Ils sont employés par des seigneurs (le Japon est alors régi par un système féodal) pour des actions nécessitant la plus grande discrétion comme l’espionnage, le sabotage, et parfois même l’assassinat.
C’était prévisible, ces exactions agaceront de plus en plus de seigneurs, jusqu’au jour où l’un d’eux, Oda Nobunaga, ordonne d’envahir la région d’Iga pour exterminer les ninjas. Les survivants sont forcés de s’enfuir et se dispersent vers les régions voisines. Quelques ninjas s’illustrent par la suite, au cours de batailles ou d’astucieuses prises de chateaux. L’un d’eux devient garde du corps du puissant seigneur Tokugawa Ieyasu, et met en pratique ses talents de tacticien : Hattori Hanzō. Ce nom ne vous est certainement pas étranger : un personnage porte son nom dans le film « Kill Bill » ; Tarantino en a fait un des descendants du Hattori Hanzō original, maintenant vendeur de Sushi, et surtout illustre confectionneur de katana pour la mariée.
Mais en dehors de quelques esquisses et récits de batailles, on en sait finalement assez peu sur les activités des ninjas, preuve que la discrétion et le secret étaient un des éléments clé de leur art : le ninjustsu
Un art martial complet
Les ninjas pratiquent le ninjutsu (et non pas ninjitsu comme on le voit souvent). Ce terme signifie littéralement l’art de la discrétion et de la persévérance. Un ninja doit exceller dans des domaines très variés, à commencer par le combat. Il est à l’aise avec toutes sortes de lames (katana, kunai, couteaux) et maîtrise le maniement du bâton (lance, perche, nunchaku). En plus des armes de corps à corps, il sait tirer avantage des armes de jet (arc, shuriken, sarbacane) et des armes à feu (pistolets, arquebuses).
Un ninja dispose également de connaissances en explosifs, aussi bien à but offensif (bombes, incendies) que défensif (fumigènes pour se dissimuler). Et s’il a subi quelques blessures pendant sa fuite, il a des connaissances rudimentaires en médecine qui lui permettent de se soigner.
Mais le point fort du ninja reste sa capacité à passer inaperçu et à arriver à se faufiler partout. Et pour ça, il n’hésite pas à se déguiser en moine, saltimbanque, paysan, ou n’importe quoi d’autre qui lui permet de ne pas attirer l’attention. Le costume noir complet n’est utilisé que pour les missions nocturnes. Et s’il se trouve face à un obstacle naturel, le ninja pratique également l’escalade, et sait évoluer à merveille sur et sous l’eau.
Le ninjutsu est une discipline qui demande un long apprentissage avant d’arriver à une totale maîtrise. C’est un art martial qui nécessite avant tout un travail important sur l’esprit ; au coeur de l’adversité, ses mains, ses pieds et ses armes ne sont là que pour servir son ingéniosité.
L’équipement
L’armement du ninja est varié et inventif, il n’y a pas eu grand besoin d’inventer quoi que soit pour le cinéma. Dans « Ninja assassin », on peut d’ailleurs remarquer l’utilisation de plusieurs armes typiques :
Avec cet arsenal et son entraînement, le ninja est un adversaire redoutable, malin, et particulièrement indésirable chez soi. Les habitations ont alors rapidement été munies de protections qui, à défaut de mettre l’envahisseur hors d’état de nuire, préviennent les occupants de sa présence.
Une légende

Sho Kosugi n’a peur de rien. Pas même de Chuck Norris.
Sho Kosugi est une légende pour les amateurs de film de ninjas. Sa carrière décolle dans les années 1980, période durant laquelle il enchaîne les films du genre, qui relevaient plus du nanard que du chef d’oeuvre intemporel. Mais sa présence et son talent suffisent à eux seuls à relever le niveau de ces productions à petit budget.
Il met un terme à sa carrière cinématographique dans les années 1990 pour se consacrer à l’enseignement au sein de ses écoles d’arts martiaux.
C’est en tout cas avec un réel plaisir qu’on le retrouve dans « Ninja Assassin », à peu près 15 ans après sa dernière apparition, dans le rôle du vieux maître Ozunu qu’il campe avec une fermeté redoutable. Sho Kosugi est considéré par un grand nombre comme un ninja vrai de vrai.
3 commentaires
liliprune a dit le
23 février 2013 :
L’intérêt à l’air de se situer au niveau des scènes de combats, très esthétiques comme tout ce qui est japonais. Du sanglant artistique et donc toujours ce paradoxe de faire de la beaute avec son contraire. Très intéressant toutes ces explications sur les ninjas, je confondais aussi avec les samouraïs. En gros les ninjas etaient les » forces speciales »’ ( motivex et moraline ^^) des seigneurs japonais pendant que les samouraïs constituaient l’élite de l’armée régulière. Et le bushido alors, c’était que pour les samouraïs ? Les ninjas devaient bien avoir un code de l’honneur aussi non ? Mention spéciale pour Sho Kosugi en effet…c’est tout à fait comme ça qu’on s’imagine un ninja !
Yannick Effinger a dit le
25 février 2013 :
C’est tout à fait ça ! Les ninjas étaient les forces spéciales, commandos et agents de renseignement du Japon médiéval. Et je pense que leur seule code de conduite était quelque chose comme « mène ta mission à bien, et reste en vie » 🙂
Le rôle du samuraï a beaucoup évolué au fil du temps : simple fonctionnaire au 8e siècle, il va acquérir un réel pouvoir sur les provinces au 12e siècle. Puis son emprise diminuera jusqu’au point de devenir un problème pour les autorités vers le 17e siècle.
Dans leur forme la plus militaire, les samouraïs étaient en gros les servants armés de leur seigneur (« Daimyo »). Mais bien entendu, ils étaient avant tout des êtres humains, et tous ne respectaient pas à la lettre les 7 vertus du bushido : courage, droiture, bienveillance, honnêteté, respect, honneur et loyauté.
A noter que le terme « samouraï » désigne un soldat professionnel qui a un seigneur. Un samouraï qui a perdu son maître (quelle qu’en soit la raison) est désigné sous le terme de « rōnin ».
Jihem a dit le
27 février 2013 :
La mentalité japonaise (surtout celle de l’époque !) est plutôt éloignée de la notre ;o), elle est difficile à saisir, on fantasme encore beaucoup dessus. On peut faire un rapprochement entre le chevalier du moyen-âge occidental et le samourai, tous deux ayant un ensemble de vertus à respecter … en théorie ^^. Pour le ninja, j’ai cru comprendre (par mes lectures diverses et variées mais rarement sérieuses, je recommande ainsi la BD Usagi Yojimbo de Stan Sakai ^^) qu’il n’était pas qu’un vulgaire espion ou assassin, mais qu’il possédait son propre code d’honneur, et appartenait à un clan ninja, pourvu d’un chef, équivalent du daimyo des samourais. Je ne vois pas d’équivalent chez nous, mais on pourrait voir quelques liens avec la secte des Haschichins dans l’Orient moyen-ageux (voir le film Prince of Persia ;o)).